Le Nouveau Marianne, no. 887, vendredi 18 avril 2014, p. 17,18,19
Portraits d’une génération de politiques dont la priorité n’est certainement pas de s’en tenir à la ligne de leurs partis. Quitte à bousculer les règles du jeu…
JADOT, L’ÉCOLO ICONOCLASTE
On le dit «ambitieux». Mais, après tout, Yannick Jadot aurait très bien pu entrer dans le premier gouvernement Ayrault. «Trois mois avant, j’étais en procès avec Ali Bongo. Je l’avais traité de dictateur. Ça serait mal passé si Hollande m’avait mis au Développement !» Surtout, Duflot aurait préféré à ce fidèle de Cohn-Bendit, pour l’accompagner sous les ors de la République, un «plus vert», Pascal Canfin. Mais Jadot ne regrette rien : il a gagné son procès et n’a pas eu à «se lever chaque matin en justifiant la politique du gouvernement…». Du coup, cet ex de Greenpeace se lève «chaque matin», à l’aise, dans sa peau d’eurodéputé. Il bosse sur la transition énergétique, bien sûr. Mais il a des centres d’intérêt plus inattendus chez les écolos. Il rêve, par exemple, que l’Europe se dote d’une «véritable politique industrielle moderne», qu’elle finance des «programmes de recherche et développement» pour ne pas que le continent «se désindustrialise». Il parle aussi de «protections aux frontières de l’Europe» (même s’il se refuse à user du mot «protectionnisme») pour que cesse le «dumping salarial et environnemental». A EELV, il est d’ailleurs aux avant-postes dans la bataille contre le traité transatlantique. Il se pose même, provocateur, en «vrai souverainiste» avant de préciser que c’est aujourd’hui «l’Europe qui peut être un espace de reconquête de notre souveraineté».
Europhile au point d’être eurobéat, Jadot ? «L’excellence gestionnaire des technocrates», il y voit «une tare moderne de la politique» et il qualifie d’«européens du dimanche» ceux qui disent aimer l’Europe et ont mis en place l’austérité. Suivez son regard… d’ambitieux.
Gérald Andrieu
LA NOUVELLE DONNE D’ATTARD
Au bout de deux ans, Isabelle Attard a craqué. La députée apparentée écologiste a voté contre la confiance à Manuel Valls, quand ses collègues se dispersaient entre le oui et l’abstention… «J’ai agi au nom d’un principe simple : quand on vous demande “Avez-vous confiance ?”, et que vous ne l’avez pas, la réponse est non !»
Evidemment ce n’est pas la première fois que l’élue du Calvados (Bayeux), 45 ans et quatre enfants, se rebiffe. Elle avait aussi voté contre la réforme des retraites du gouvernement Ayrault, et le traité budgétaire européen (TSCG). «Nous avions défilé dans les rues pour les combattre, il fallait mettre mes votes en accord.»
De sa courte expérience à l’Assemblée nationale, elle brosse un portrait terrible : des députés aux ordres de l’Elysée, dont les conseillers interviennent sur le moindre amendement de la plus petite loi. Les projets de loi préparés par la droite et présentés par la gauche, et surtout «une atmosphère de cour, avec des élus qui se poussent pour obtenir des postes… et nous collent une image d’arrivistes. Il y a de l’indécence dans la politique»
En décembre 2013, Isabelle Attard a quitté EELV, pour rejoindre Nouvelle Donne, le parti fondé par Pierre Larrouturou et ses 7 000 adhérents revendiqués, dont elle est vice-présidente et le seul député national. L’urgence : «Faire en sorte que les gens comprennent qu’ils peuvent reprendre la main sur le pouvoir politique.»
Mais, au fait, pourquoi ne pas rejoindre le Front de gauche ? «L’écosocialisme, c’est intéressant, répond-elle. Mais nous sommes un parti de régulation du capitalisme, pas anticapitaliste. Et puis la pratique démocratique du FG a encore bien des progrès à faire…»
Hervé Nathan
AMIRSHAHI, L’ANTI-VALLS
Il n’est pas dit qu’un jour ce passionné de bandes dessinées ne prenne son crayon pour «croquer» Valls dans une BD, comme il en existe d’autres sur Sarkozy, tellement il porte le nouveau Premier ministre dans son coeur. Député socialiste de la 9e circonscription des Français établis hors de France (pour l’Afrique du Nord et de l’Ouest), Pouria Amirshahi n’a eu de cesse, depuis le début du quinquennat, de batailler avec l’ancien maire d’Ivry. D’abord, quand Valls était ministre de l’Intérieur, sur le dossier des Roms et la situation des étrangers en situation irrégulière – Amirshahi, issu de l’aile gauche du PS, continue de réclamer leur large régularisation. Et, maintenant que son adversaire préféré est à Matignon, sur le pacte de responsabilité. Mais, attention, cet ancien syndicaliste étudiant (Unef-ID), partisan du non au référendum de 2005, se garde bien d’en faire une affaire personnelle : «Ce n’est pas un problème de casting, c’est un problème d’orientation générale», assure-t-il. Pour bien faire entendre son point de vue, il a pris la tête, avec quelques autres parlementaires socialistes, de la fronde lancée contre la politique d’austérité menée par Hollande. Signataire du «contrat de majorité», il s’est abstenu lors du vote de confiance à Valls, réclamant «un changement d’orientation» fondé sur la transition énergétique, la reconversion de nos entreprises et la revalorisation des salaires. Amirshahi, 42 ans, a pourtant un point commun avec Valls, comme lui, il n’est pas né français, mais l’est devenu après avoir fui l’Iran. Marc Endeweld
BESSAC, LE PCF REVISITÉ
Nouveau maire Front de gauche de Montreuil, Patrice Bessac n’est pas connu pour faire les choses à moitié, comme son mentor en politique, Marie-George Buffet, l’ancienne secrétaire nationale du PCF, dont il a été le collaborateur. A 35 ans à peine, ce bébé communiste, souvent cravaté, a terrassé ses multiples concurrents à gauche – et dans un Montreuil où l’ancienne maire écolo Dominique Voynet ne se représentait pas, ça se bousculait au portillon, du médiatique Razzi Hammadi, archiprotégé par Claude Bartolone, à l’ancien maire de Montreuil, le baron rouge Jean-Pierre Brard. Mais, finalement, face à la politique à la SOS Racisme, et au clientélisme usé, les Montreuillois ont voté pour le renouvellement. Car, si Bessac a conforté sa jeune carrière politique – tel un néoapparatchik – en gravissant tous les échelons du PCF (secrétaire de la fédération de Paris en 2006, puis porte-parole du parti, avant de devenir conseiller régional), il représente réellement une nouvelle génération au sein du Parti communiste. M.E.
MAUREL, ENFANT D’ÉPINAY
Né à Epinay, deux ans après le congrès du même nom, Maurel n’ignore rien des jeux d’appareil, mais garde la passion du débat d’idées. Cet enseignant de droit constitutionnel à Sciences-Po est au congrès de Toulouse le premier signataire de la motion Maintenant la gauche, qui arrive en deuxième position. Il l’est avec verve et pragmatisme, et ce n’est pas un hasard s’il consacra jadis un court essai d’admiration pour la figure du grand bretteur Jean Poperen. A la tribune, il lui arrive de retrouver certaines de ses attitudes. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il prend la plume pour souligner à chaque fois qu’«il n’y a pas qu’une seule politique possible». Vice-président du conseil régional d’Ile-de-France, il peut autant être intarissable sur la formation professionnelle que sur les personnages de la Recherche. Il y a encore dix ans, son profil aurait été celui d’un socialiste assez consensuel, mais le curseur idéologique du PS étant parti à droite toute il se retrouve, aujourd’hui, à jeter des ponts avec les progressistes de l’autre rive : écologistes et communistes. J.M.-S.
MOREL-DARLEUX, L’ÉCOLOSOCIALISTE
Loin d’être une professionnelle de la politique, mais conseillère régionale Rhône-Alpes, Corinne Morel-Darleux se présente aujourd’hui comme tête de liste FG aux européennes dans la région Massif central-Centre. Au Parti de gauche, cette écolodécroissante membre de la fondation Copernic est à l’initiative des assises pour l’écosocialisme qui réunissent chaque année la gauche radicale. Dans la foulée, le Parti de gauche a adopté un manifeste pour l’écosocialisme, qui est devenu l’appellation porte-étendard du parti, au même titre que la «révolution citoyenne». Dans cette optique, Corinne Morel-Darleux cherche à tisser des liens entre son parti et Europe Ecologie-Les Verts. C’est en fait en 2005 que cette quadragénaire «punchy» s’est engagée en politique, d’abord au sein du mouvement Utopia, qui critique le dogme de la croissance, la société de consommation, et la valeur travail, avant de rejoindre provisoirement le PS. A l’époque, cette ancienne élève d’école de commerce, issue d’une famille bourgeoise à la sensibilité trotskiste (mère secrétaire de direction, et père travaillant dans les moteurs d’avion), a décidé de tout plaquer, et notamment son job dans une boîte de consulting auprès des entreprises du CAC 40, telles que Sanofi, EDF, Total. Indignée, elle sème aujourd’hui ses petits pois rouges (le nom de son blog) auprès du plus grand nombre. M.E.