Nous n’aurions plus besoin du féminisme, peut-on entendre. Ailleurs, oui, chez les « autres ». Mais sûrement pas en France, pays des droits… de l’homme.

Il n’est pourtant pas nécessaire de chausser des « lunettes violettes » pour remarquer que la situation est encore loin de cet idéal d’égalité dont certain·e·s se répètent jusqu’à s’en convaincre qu’il serait déjà atteint :

  • Les violences perpétrées à l’encontre des femmes, et plus encore des enfants, sont un véritable problème de société. Pourtant, ces violences sont niées ou traitées comme des faits divers. Les victimes se retrouvent face à un déni de justice, et leurs troubles psychotraumatiques ne sont pas traités.
  • La discrimination à l’embauche, les inégalités salariales et les inégalités dans les progressions de carrière demeurent. À niveau de formation, qualification, temps de travail et fonction identiques, un homme touche un salaire de 10 % supérieur à celui d’une femme. La grande majorité des personnes vivant en situation de précarité sont des femmes.
  • 80 % des tâches ménagères et parentales sont réalisées par les femmes dans les couples hétérosexuels.
  • Les hommes sont largement majoritaires au sein de toutes les sphères décisionnelles (politique, artistique, scientifique, sportive, entrepreneuriale, militaire, religieuse…).
  • Les femmes sont représentées à outrance comme des objets sexuels, en particulier dans les médias. Cela alimente une culture du viol dont témoigne par exemple le harcèlement sexuel qu’exercent des hommes dans l’espace public.
  • La pénalisation dans certains lieux publics (notamment dans les collèges et lycée, demain dans les universités ?) du port de certains signes dits « religieux » (le foulard islamique notamment) conduit à l’exclusion et à la stigmatisation de femmes, sous le prétexte paternaliste de défendre leurs droits.
  • La sexualité féminine est négligée, et en particulier l’homosexualité féminine, souvent réduite à un fantasme masculin hétérosexuel.
  • La contraception est trop chère, la sensibilisation insuffisante et l’accès à l’IVG de plus en plus compliqué alors que se multiplient les fermetures de centres.
  • Les stéréotypes de genre, terreau des inégalités, sont partout, y compris à l’école, et il n’existe aucune volonté réelle de les remettre en cause de façon efficace.

On pourrait poursuivre longtemps cette liste. Chacun de ces constats illustre une société patriarcale, hétéronormative, dans laquelle la domination masculine est systémique et institutionnelle.

Alors oui, évidemment, une nouvelle donne concernant les droits des femmes est non seulement capitale, mais urgente !

Et ce changement que nous appelons de nos vœux sera possible non pas en regardant ailleurs, où la situation serait pire, mais bien en commençant par reconnaître que nous sommes toutes et tous empreint·e·s, inconsciemment, de cette culture dans laquelle nous nous sommes construit·e·s. Et en analysant comment les inégalités et le système qui les perpétue ont influencé nos représentations jusqu’à ne plus voir les discriminations sexistes. Parce que notre société entière est sexiste, mais paradoxalement, personne ne pense l’être.

Le 8 mars partout en France et dans le monde lors de la marche mondiale des femmes, l’occasion nous est donnée de déclarer ensemble haut et fort que la lutte pour les droits des femmes est plus que jamais nécessaire. Une lutte qui intègre toutes les femmes : lesbiennes, transidentitaires, racisées, en situation de handicap, des classes populaires, des minorités ethniques et culturelles…

Ce faisant, gardons à l’esprit que cette lutte nous concerne toutes et tous et qu’il n’est de pire féministe que celui ou celle qui se persuade d’être exempt de tout sexisme.

Khaddouj El Krissi et Alexandre Magot,
référente et référent de la Commission Thématique Nationale Égalité des genres
Commission-genres@nouvelledonne.fr