Le but de la République est l’accomplissement de la République sociale dans sa quête du bonheur. Ainsi, le caractère social de la République, qu’il soit implicite ou explicite, apparaît de manière constante, comme un élément de structuration de l’idéal républicain. La mise en œuvre de la République sociale se traduit par l’existence du droit social, le développement de services publics, ainsi qu’une politique sociale fondée sur la solidarité permettant à l’Etat d’assurer une panoplie plus ou moins étendue de fonctions sociales au bénéfice de ses citoyens, qui dans sa forme la plus aboutie serait un Etat providence.

Pourtant, dans les faits, nous sommes bien loin de la République sociale. On ne vit plus ensemble mais les uns à côté des autres et l’individualisation accrue de la société amène chacun à revendiquer pour sa communauté en espérant que les réformes ne concerneront que les autres. Et pourtant, comme le disent très bien Pierre Larrouturou et Michel Rocard : “Quand des millions d’hommes et de femmes sont condamnés à vivre au rabais par manque de travail, sur tous les continents ; quand des millions de salariés vivent avec la peur du lendemain et que, même en vacances, ils ne parviennent pas oublier les soucis du travail et la peur de perdre leur emploi, quand des millions de jeunes pensent qu’ils seront au chômage – même s’ils font grandir leur intelligence – et risquent de finir eux aussi en cherchant de la nourriture dans les poubelles, le chômage et la précarité ne sont plus seulement une “question sociale” parmi d’autres. Ils deviennent un enjeu de civilisation….C’est de notre humanité dont il s’agit, et pas seulement de PIB ou d’économie. Alors que nous avons tous les mêmes besoins, les mêmes peurs et les mêmes désirs, alors que sur le fronton de toutes nos écoles, nous avons gravé notre attachement à la Liberté, à l’Egalité, à la Fraternité, comment accepter que vivent côte à côte des hommes de plus en plus riches et des citoyens de plus en plus pauvres ?…De telles inégalités sont inacceptables. Choquantes. Chacun de nous le ressent et l’exprime avec ses mots. L’humanité arrive à un tournant de son histoire. Si nous ne sommes pas capables de virer de bord, de changer très profondément notre contrat social, l’humanité risque une sortie de route.

Devant l’ampleur de la crise financière, économique, écologique et sociale à l’échelle du monde, les citoyens se sentent délaissés par leurs gouvernements qu’ils jugent incapables de relever les défis de la démographie, du chômage, de l’exclusion sociale et de la pauvreté, ou encore de l’amenuisement des ressources naturelles de la planète face à l’ampleur des besoins qui suscite des tensions et des guerres à travers le monde. Il en résulte une véritable coupure entre les citoyens et les détenteurs du pouvoir, politique et économique. Le XXIème siècle sera celui d’une Nouvelle Donne où ne sera pas !

On ne peut pas penser le XXIème siècle sans prendre en compte la montée en puissance des nouvelles technologies de l’information et de la communication faisant des médias un « quatrième pouvoir » aux contours certes mal définis avec tous les risques qui y sont associés, mais qui permettent aux citoyens du monde en entier d’être interconnectés en temps réel. C’est la traduction d’une demande de lien social, qui demeure absent à tort de la vocation sociale de la République telle qu’elle a été conçue initialement, au-delà de l’opposition entre le social et le libéral. On y retrouve les liens permettant de se procurer des biens et des services qu’on ne peut produire soi-même qu’on appelle communément les liens économiques, les liens qui font que des membres acceptent de faire partie d’une communauté, ou encore les liens entre les citoyens d’une même nation, au sens communauté de citoyens qui décident de vivre ensemble en partageant les mêmes valeurs. Ce serait aussi l’occasion de redéfinir les contours du pouvoir grandissant des médias qui échappe à tout contrôle et remet en cause les équilibres existants entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire indispensable au fonctionnement des institutions républicaines.

On ne peut penser le XXIème siècle sans prendre en compte la dimension européenne, qui doit constituer notre horizon de survie dans la mondialisation. Il devient urgent de traduire la vocation sociale de notre République à l’échelle de l’Union européenne. Nous devrons œuvrer pour la construction d’une Europe politique, sociale et écologique en plus de sa dimension économique et financière qui en fait l’espace le plus libéral au monde. Pour y arriver, nous devrons opter pour une harmonisation fiscale et sociale permettant de taxer davantage les revenus des capitaux financiers de façon solidaire entre chacun des Etats de l’Union européenne, mettre en place des clauses sociales et environnementales pour rendre le commerce mondial plus juste et plus équitable permettant de mieux réguler l’économie mondiale et protéger l’espace européen des dumpings, pour une meilleure redistribution du travail en plus de celle des richesses afin que le travail ne soit pas une finalité de la vie mais un moyen, pour une véritable politique d’innovation et d’entreprenariat individuels et ce y compris dans le secteur de l’économie sociale et solidaire à travers un partenariat public – privé permettant à la puissance publique de jouer son rôle d’impulsion et de régulation. Enfin, la vocation indivisible, laïque, sociale, démocratique et environnementale de notre République constitue un ensemble indissociable de la traduction des valeurs universelles de la République que sont la Liberté, l’Egalité et la Citoyenneté en attendant l’émergence d’un monde républicain.

Mohamed Zouber Sotbar