Expression libre d’un adhérent

Faire la guerre n’est pas un acte anodin. La faire au nom de la justice
peut se révéler salutaire, mais l’Histoire a prouvé les dangers et
les manipulations qui entourent ce genre d’entreprises.

Sans rien de ses alliances, la France a longtemps refusé d’être
enfermée dans un camp. C’est le général De Gaulle et le discours de
Phnom Penh en 1966, c’est Jacques Chirac et le veto à l’intervention en
Irak en 2003.

La diplomatie française a longtemps fait du soutien au
multilatéralisme, particulièrement aux principes de la Charte des
nations-unies, un des piliers de sa politique étrangère. C’était à
la fois une question de principe et un positionnement stratégique.

Les récents évènements marquent-ils un changement radical de la
politique internationale de la France ? Certes et avec raison, les
motifs de détestation du régime de Bachar ne manquent pas, ce qui ne
justifie pas le soutien de fait à des adversaires tout aussi
abominables. Certes, les soupçons d’utilisation d’armes chimiques
condamnées par le droit international existent depuis l’origine, mais
la question reste de savoir qui en apporte les preuves et si les
accusateurs sont réellement impartiaux. Tout cela n’est malheureusement
pas nouveau -_rappelons-nous Colin Powell et sa fiole_- et s’inscrit
dans une logique guerrière dont nous connaissons les risques
d’escalade.

Plus grave encore, les organes internationaux, particulièrement
l’Organisation de Nations-Unies, nés de la volonté de prévenir les
conflits, semblent destinés à être les premières victimes des
affrontements théâtralisés en cours et à perdre leur rôle de
garants de la paix et de la sécurité collective.

La France, par la voix d’Emmanuel Macron, semble vouloir, pour la
première fois depuis la fin de la guerre, participer à une action
armée sans un quelconque aval du Conseil de sécurité, pourtant saisi
du dossier. Plutôt que d’entrer dans cet engrenage, la France se
hausserait à proposer l’exploration de pistes diplomatiques conformes
aux principes du multilatéralisme. Ne pourrait-elle prendre des
initiatives avec d’autres membres du Conseil de sécurité, en
particulier la Chine qui a marqué une certaine réserve lors des
récentes réunions ? Ne pourrait-elle appeler à des forums des pays
concernés, avec la Turquie ou les pays signataires des conventions sur
l’interdiction des armes chimiques pour faire les vérifications
nécessaires ? Ne pourrait-elle, en un mot, plutôt que de participer a
priori à la rhétorique guerrière, montrer la force historique de sa
diplomatie, marquant sa capacité une puissance indépendante, fidèle
à ses alliés, mais interlocutrice de toutes les parties ?

André Bellon

Ancien Président de la Commission des affaires étrangères de

l’Assemblée nationale