L’humanité évolue plus vite que jamais. La révolution industrielle a transformé, du XVIII au XXème siècle, nos civilisations. L’actuelle révolution, informationnelle, bouscule profondément nos modèles socio-économiques, nos structures et fonctionnements politiques, nos modes culturels. Cette évolution impose l’adaptation de nos politiques et réclame une nouvelle donne. A défaut d’une évolution adaptée, si les états nations socio-démocrates s’obstinent dans leurs conservatismes, les peuples meurtris et déboussolés par les réactions individualistes, communautaristes, intégristes, isolationnistes… provoqueront une révolution sociale qui balaiera nos institutions et fragilisera durablement notre civilisation.
Nous devons adapter notre démocratie à la réalité nouvelle : espace spatio-temporel, modes de productions, de communications et d’échanges. Notre richesse commune, la planète terre, nous donne les moyens physiques et biologiques de vivre. Cette vie si fragile, si exceptionnelle dans un univers minéral et qui n’est qu’une mince pellicule à la surface du globe. Devant une telle urgence, de tels enjeux, il est irresponsable, illusoire et puéril de ne pas rechercher, comprendre, imaginer et proposer une nouvelle donne politique.
La démocratie doit évoluer pour mettre chacun en capacité de choisir ce qui est le mieux. Mais conquérir le pouvoir, le conserver « pour la bonne cause » est ce compatible avec une information libre et éclairante des citoyens ? Pour s’éloigner de ces pratiques mortifères, ne faut-il pas instaurer une démarche qui distingue ce qui est connu, vérifiable et qui permet des actions consensuelles (80 % du champ politique actuellement livré aux manipulations de l’opinion) et réserver les débats à ce qui nécessite études, réflexions et donc choix politique. Ainsi, la raison commune se chargerait de ce qui ne demande qu’une saine gestion et les clivages seraient dévolus à la part subjective des débats, (subjectivité qui existera toujours et qui nécessite en réponse le pluralisme politique). Par exemple l’opposition entre collectivisme et individualisme est une impasse, car elle ne repose sur rien. En réalité, l’individuel et le collectif ne sont qu’un ! Il existe en effet, une réflexivité princeps, le groupe n’existe que par ces éléments qui ne peuvent être sans lui. Ainsi l’émancipation de l’individu aux contingences naturelles ne peut se faire que par une démarche culturelle de socialisation. Pourtant le XX ème siècle s’est déchiré en deux blocs prônant l’un, le capitalisme privé, l’autre, le communisme !
La société des hommes invente des modèles de gouvernance politiques conjoncturels qui fonctionnent un temps, aucun modèle politique n’étant une panacée. La démocratie est une quête permanente, nous devons réclamer l’exploration de nouveaux modes politiques plus adaptés aux réalités culturelles modernes.
Par exemple la mise en œuvre d’une démocratie « présentative » où les citoyens seraient mandatés pour des fonctions politiques et ne seraient donc pas élus « à la place de » mais pour…
Enfin la démocratie ne se limite pas à la sphère publique, elle doit conquérir toutes les strates sociétales. Comment prétendre promouvoir la démocratie politique et refuser la démocratie d’entreprise ?
Le dogme actuel est de présenter l’économie comme étant réductible à un système de production pour des échanges marchands, alors que pour l’essentiel, les échanges interhumains ne le sont pas ! Aussi faut-il que les descriptions des modèles socio-économiques et que les politiques qui en découlent soient cohérentes avec la réalité et non dictées par des croyances.
En effet si l’équilibre biologique est fragile, si les ressources en matière première et en énergie ne sont pas infinies, jamais l’humanité n’a eu autant de solutions et de moyens pour créer des richesses. La crise n’est pas une fatalité, nous l’avons provoquée par ignorance, cupidité et nonchalance au bénéfice, précaire, de quelques uns. Aussi est-il possible, rapidement, que chacun puisse : se loger, se nourrir, se vêtir, bénéficier de tous les services nécessaires et souhaitables, user des produits modernes. Et pour ce faire, nul besoin de rationner, de travailler plus, de vivre moins…
Il est juste indispensable de réorganiser notre monde. De provoquer une nouvelle donne intellectuelle, culturelle, économico-écologique et sociale. De mener une politique usant pleinement des savoirs et savoirs faire, en les libérant ; économe des ressources, en ne les gaspillant plus ; respectueuse des équilibres écologiques ; distribuant efficacement le travail ; partageant les richesses produites, en répartissant les revenus entre existence, travail et capital.
La monnaie invention Lydienne géniale, permit l’essor du commerce, doit redevenir un instrument de mesure et de réserve et ne doit pas, ne doit plus, ne peux plus, être un produit comme les autres. Imaginons un instant que les autres unités de mesures soient également livrées à toutes ces combines et que l’on use de mètres élastiques !
La solution à la crise n’est donc, ni la poursuite d’une politique de privation pour rembourser des dettes crées artificiellement, ni le creusement de ces dettes, ni la recherche d’une croissance mythique, ni le retour à un age d’or. La solution est de se donner la volonté d’une politique, raisonnable, réaliste et volontaire.
Frédéric Pain
Médecin urgentiste