Le 30 mai 2019, Pierre Larrouturou, tout juste élu député Européen, intervient sur le plateau de BFM TV sur le thème “Travail : vers la semaine de 4 jours ?”

Le co-fondateur de Nouvelle Donne est en France l’un des plus fervents défenseurs de la réduction du temps de travail à 4 jours par semaine depuis les années 1990. Le but ? Libérer la charge du travail pour mieux la répartir, et ainsi lutter contre le chômage de masse et améliorer la qualité de vie des travailleurs.

 

Pierre Larrouturou, co-fondateur de Nouvelle Donne et député européen, défend la réduction du temps de travail pour une semaine de 4 jours depuis 1993.

“Aujourd’hui, il y a un certain partage du temps de travail : il y a 4 millions de chômeurs qui font 0 heure par semaine, et les salariés à temps plein son en fait revenu à 39 heures. L’INSEE nous dit qu’à force de détricoter les 35 heures, la réalité c’est que quelqu’un qui est à temps plein est aujourd’hui à 39 heures. Donc, il y a un partage du travail qui est stupide, qui est binaire : ou bien on est à 0 heure, au chômage, ou bien on travaille plein pot. Et beaucoup de gens aspirent à un autre équilibre, et beaucoup de gens voient aussi les dégâts du chômage.”

Beaucoup prennent aujourd’hui l’Allemagne comme modèle pour le plein emploi. Oui, mais à quel prix ?

Pierre Larrouturou leur répond : “Je ne sais pas si c’est le 1er avril et qu’on peut faire des blagues, mais nous expliquer que c’est le plein emploi aux États-Unis ou en Allemagne… L’autre jour au Bundestag [le parlement allemand], la ministre a dit qu’il y avait 7,7 millions Allemands qui avaient des boulots à 450€… Si c’est ça pour vous le plein emploi ! C’est catastrophique. “

Si Pierre Larrouturou est un des premiers hommes politiques à avoir étudié cette question, en revanche, c’est une idée issue initialement du monde industriel : “Celui qui a lancé le débat sur la semaine de 4 jours, c’est Franck Ribout, PDG de BSN-Danone. Ce n’est pas une tête brûlée ! Le patron d’un des plus grands groupes industrielle qui dit “Vu les gains de productivités, ou bien on accepte un chômage de masse et ça fout en l’air des millions de familles, ou bien on est capable de relancer les négociations”“.

Peut-on proposer ce modèle à d’autres entreprises que des grands groupes industriels ?

“On a déjà expérimenté cette idée. J’étais hostile à une loi qui imposait quoi que ce soit, mais 400 entreprises ont déjà expérimenté les 4 jours. Un cabinet d’avocats, une entreprise d’informatique, y compris des services”.

“C’est très important, c’est dommage que l’on n’arrive pas à parler sereinement de ce sujet et à faire le bilan des entreprises qui sont déjà passées à 4 jours…Ce que ça nous, dit, c’est que ce n’est pas trivial : quand il y a des problèmes de management, il faut effectivement plusieurs mois pour régler le problème.”

Alors, tout le monde part le vendredi pour un week end plus long ?

“Non, bien sûr que l’entreprise ne va pas fermer le jeudi soir. Vous avez des collègues journalistes : je me souviens d’une époque ou Patrick Poivre d’Arvor faisait 4 jours par semaine, et un autre journaliste le remplaçait pour 3 jours.[…] Vous avez des banques où les agences sont ouvertes 6 jours par semaine et 52 semaines par an, mais aucun salarié ne fait 6 jours par semaines 52 semaines par an : il y a déjà des délégations. Mais oui, c’est compliqué : cela ne se fait pas en trois semaines, il y a besoin de quelques mois pour roder. Mais oui aussi, la qualité du travail s’améliore : on voit que l’absentéisme recule, partout. Chez Mamie Nova, le médecin du travail a fait un bilan : la qualité de vie des gens a vraiment augmenté.”

Certains prennent l’exemple des 35 heures pour justifier leur scepticisme sur la réduction du temps de travail. Or, la semaine de 4 jours porte un projet plus radical : “J’ai critiqué les 35 heures avec Michel Rocard*. Nous n’étions que deux à gauche à dire “Oui, il faut réduire le temps de travail, mais cette méthode et le contenu ne sont pas bons” […]. Il faut relancer une expérimentation, en Belgique c’est le ministre de l’économie qui dit : “Je ne veux pas de loi qui impose, mais on ne peut pas accepter qu’il y ait un partage du temps de travail binaire avec des millions de gens qui sont au chômage et des millions de gens dans la pauvreté“”.

* La gauche n’a plus le droit à l’erreur, Pierre Larrouturou et Michel Rocard, Flammarion, 2013