Médiapart, dimanche 18 mai 2014
Paris – Tout au long de la dernière semaine de campagne des européennes, Mediapart compare les programmes des principaux partis transnationaux et français. Premier volet : les ambitions institutionnelles et les propositions de réforme démocratique de l’Union.
Des élections européennes pour amoindrir la prédominance technocratique bruxelloise et intéresser enfin les citoyens à l’Union européenne ? C’est autour de cette problématique que s’articulent les propositions des principaux partis européens et français en matière de réforme institutionnelle de l’UE. Avec un niveau des ambitions très variable.
À droite, les conservateurs du PPE et de Jean-Claude Juncker se contentent d’appeler à une plus grande transparence et publicité des décisions de l’UE, « traduites dans toutes les langues » . L’UMP se fait plus disert sur le sujet, développant l’idée de « coopérations à géométrie variable » , au gré des volontés étatiques. Par exemple, « une coopération sur les questions d’immigration avec les États du Nord de la Méditerranée » . L’UMP estime également que « l’Europe ne doit pas intervenir dans les politiques familiales et sur les questions de société » .
Parmi les autres partis français, seul Nouvelle Donne s’attarde aussi sur ce thème, évoquant la création d’une « zone resserrée autour d’un pôle de pays volontaires » , dont ne pourrait pas être membre un paradis fiscal, et qui aurait pour « mission » d’imposer au reste de l’Union un traité de convergence sociale, prévoyant notamment un « impôt sur les bénéfices non réinvestis » des grandes entreprises et un élargissement de la taxe sur les transactions financières. Ce traité serait voté par référendum, et il serait imposé sous la contrainte s’il le faut, en « pratiquant la politique de la chaise vide » ou en refusant de « payer sa part du budget européen » .
Les libéraux de l’ADLE proposent, plus modestement, « un contrôle annuel du Parlement européen, afin d’évaluer le programme de travail de la Commission » . Guy Verhofstadt plaide aussi pour une profonde simplification : réduction des domaines de compétences, suppression de « structures administratives qui ne remplissent pas ces critères, telles que le Comité économique et social » , siège unique du parlement (sans se prononcer pour Bruxelles ou Strasbourg). En France, l’alliance des centristes du MoDem et de l’UDI (Les Européens) propose en outre que 10 % des eurodéputés soient élus à la proportionnelle « dans une circonscription unique européenne » , et une élection du président de l’union au suffrage universel.
Les Européens se prononcent enfin pour une « simplification de l’initiative citoyenne » . Un sujet qui est également mentionné chez les écolos et Nouvelle Donne, ainsi qu’au Front de gauche, qui évoque une « pseudo procédure d’initiative citoyenne européenne » , qu’il entend transformer en « véritable droit de pétition, sans validation préalable d’une quelconque instance » . Le Parti de la gauche européenne (PGE/GUE) d’Alexis Tsipras évoque aussi « une légitimité démocratique directe » , nécessaire pour l’Europe. Ce qu’il traduit par la restauration du « rôle principal des parlements nationaux » sur leur souveraineté budgétaire (et donc « la suspension des articles 6 et 7 du règlement 473/2013 » ). « Dans un deuxième temps » , explique le programme de Tsipras, il faudrait « une plus grande implication des parlements européens et nationaux dans le contrôle du budget européen » . Le Front de gauche se prononce aussi pour une refonte de la commission européenne, qualifiée d’ « instance antidémocratique telle » qu’elle ne peut continuer à « exister dans cette Europe » .
Le Front de gauche estime enfin que « les politiques intégrées doivent faire l’objet de débats publics, être librement consenties, contrôlées et soumises à la souveraineté populaire » . L’utilisation du référendum revient dans d’autres programmes à gauche. Plus fédéraliste, Nouvelle Donne plaide pour que « les nouveaux Traités soient adoptés par un référendum pan-européen organisé au même moment dans tous les pays d’Europe » . Une position partagée par le Parti vert européen (PVE), qui entend « créer une base juridique pour référendums à l’échelle de l’Union » . Europe Écologie-Les Verts (EELV) indique en outre, dans son programme national, vouloir « relancer le travail sur une Constitution pour l’Europe, avec un texte court, simple et politique » , validé par « un référendum qui aura lieu le même jour partout en Europe » .
Les écolos partagent également avec Nouvelle Donne la préoccupation de la parité homme/femme. Le mouvement de Pierre Larrouturou propose ainsi la « parité au sein du collège des commissaires » et l’ « attribution spécifique du Droit des femmes à un(e) commissaire » . Le programme des Verts européens se déclare de son côté pour des « quotas juridiquement contraignant dans les conseils d’administration des entreprises européennes, pour atteindre l’objectif de 40 % de femmes d’ici à 2020 » .
Les Verts sont également très prolixes sur le contrôle et l’encadrement du lobbying et des conflits d’intérêt, se prononcent pour une réforme du mode de scrutin des européennes, où il serait permis de voter dès 16 ans, pour des listes pan-européennes, composées de façon transnationale, et défendent une restriction du droit de veto des États sur le parlement européen.
La contribution des sociaux-démocrates est en revanche incroyablement succincte. Le parti socialiste européen (PSE) se prononce vaguement pour que le parlement européen ait un « rôle de premier plan » , et estime que « les décisions doivent être prises au niveau le plus approprié (local, régional, national ou européen), dans l’intérêt des citoyens européens » . Le PS ne fait guère plus précis, et propose de « renforcer simultanément les trois piliers du pouvoir dans l’UE : le Parlement européen, en le dotant de l’initiative législative qu’il n’a pas, et en étendant son pouvoir de codécision et de contrôle dans les domaines économique et budgétaire ; la Commission, qu’il convient de réformer en profondeur ; le Conseil, qui devra décider de plus en plus à majorité qualifiée et non plus à l’unanimité sur tous les sujets qui fâchent » .
Quant au Front national, les questions institutionnelles ne figurent pas parmi ses « six idées sur l’Europe » , qui font office de programme.