La semaine de 4 jours
à 32 heures maximum

« La République, c’est la société où chacun a le temps et la liberté d’agir en citoyen.» Jean Jaurès

Depuis un demi-siècle, la rupture du contrat établi après-guerre entre les salariés et les entreprises, au nom d’un néolibéralisme promu par Thatcher et Reagan, a fait entrer nos sociétés dans une longue ère de chômage de masse. Chose jamais vue dans l’histoire moderne du capitalisme, ce sont déjà deux générations de suite qui ont dû en subir les conséquences néfastes.

Actuellement, le partage du temps de travail est injuste : d’un côté, des millions de chômeurs ou de salariés à temps partiel (souvent subi) ;  de  l’autre, des personnes à  plein temps qui font souvent plus de 39 heures par semaine, qui n’ont plus de temps pour eux-mêmes et leur famille, et qui risquent le burn out ! Un nouveau partage du temps de travail est nécessaire pour permettre la justice sociale. La semaine de quatre jours à 32 heures maximum n’est pas un pari utopique : elle a déjà fait ses preuves, en France même avec la loi Robien inspirée par Pierre Larrouturou. Notre combat ? Remettre cet objectif dans notre contrat social pour sortir ensemble du piège de la pauvreté.

Pour nous débarrasser du chômage de masse et être capables de mettre en place d’autres mesures nécessaires, sur le plan social, climatique, démocratique, Nouvelle Donne propose donc l’ouverture immédiate des négociations pour le passage à la semaine de 4 jours à 32 heures maximum. Cette mise en place se fera par la concertation au sein des entreprises.

Pour renouer avec l’esprit de la Déclaration de Philadelphie (1944), pour laquelle “une paix durable ne peut être établie que sur la base de la justice sociale”, nous nous appuyons sur ce principe fondamental : “le travail n’est pas une marchandise.”  Nous considérons également que, parmi les objectifs humanistes que nous fixons, le droit au temps libre est un moyen de libération vis-à-vis des formes d’aliénation du capitalisme, du consumérisme, du productivisme. En accordant plus de temps à l’épanouissement personnel, la semaine de quatre jours contribuera ainsi à la sauvegarde de la vie de famille, à l’accès à la culture comme à la vie associative, au renforcement des valeurs républicaines. C’est pourquoi cette réforme est un des principaux axes de la nouvelle donne politique que nous appelons de nos vœux.

Travaux de la Commission thématique “Partage du temps de travail – Revenu citoyen” – 18 octobre 2021 – Modifiés le 16 janvier 2022

On décrypte

Zoom

En 1995, le Rapport Boissonnat affirmait qu’il fallait réduire de plus de 20 % le temps de travail avant 2015.
Malgré les gains de productivité, rien n’a changé. Il est temps d’agir ! C’est un combat essentiel de la gauche depuis 150 ans !

Pour quoi faire ?

Nouvelle Donne affirme avec force que toutes les actions menées pour remettre nos sociétés sur les rails d’un fonctionnement sobre, respectueux de la planète, et pour garantir au plus grand nombre une intégrité physique, culturelle et relationnelle, nécessitent de nous défaire du boulet du chômage de masse, au coût humain, social et économique faramineux.

Le coût du chômage s’exprime dans une multiplicité de domaines, qui vont de la santé aux équilibres des comptes sociaux (voir les ZOOMS), en passant par la sape lente mais permanente du contrat républicain. En payant directement ou indirectement les coûts du chômage, la puissance publique se met un boulet qui justifie ensuite les attaques des libéraux sur le poids des dépenses publiques. Il oublient en cela que le chômage n’est pas un fléau naturel, mais un choix politique qui permet d’externaliser, pour les entreprises, les coûts de la recherche d’une plus grande productivité, vers les dépenses publiques.

« Il existe plusieurs coûts du chômage :

  • le coût pour la branche indemnisation de Pôle Emploi qui paye les allocations ;
  • le coût pour Pôle Emploi qui accompagne les chômeurs ;
  • les coûts pour la Sécurité Sociale : aussi bien les manques à gagner que les dépenses supplémentaires liées aux pathologies dues au chômage, à la précarité et à la pauvreté ;
  • les coûts pour l’État : de la compensation des manques à gagner pour la Sécurité sociale, aux budgets de formation des chômeurs, en passant par une partie des 16 milliards d’€ d’allocations logement dont le budget serait nettement plus faible si les allocataires retrouvaient un emploi et un revenu correct ;
  • le coût pour les collectivités : les départements paient plus de 10 milliards d’€ de RSA chaque année et toutes les collectivités locales ont des politiques sociales dont les budgets enflent avec le nombre de chômeurs et de précaires. »

    (D. Méda, P. Larrouturou, Einstein avait raison, éd. de l’atelier, 2016.)

Selon quelle philosophie politique ?

Le partage du temps de travail existe déjà, mais il est injuste, coûteux et néfaste. Pour de multiples raisons (habitudes mentales,  héritages historiques, dont les « 35 heures » pas toujours bien appliquées, détricotage des 35 heures par Sarkozy…), la France a choisi une société où le travail se concentrerait sur un nombre proportionnellement plus réduit de personnes actives, à qui on demande de beaucoup travailler (cf. les travailleurs à temps complet sont toujours à 39 h) et un nombre de plus en plus élevé de personnes qui n’ont pas ou peu d’emploi. Le taux de chômage est officiellement à 8%, mais ne prend pas en compte celles et ceux qui ne sont plus inscrits. De nombreux pays occidentaux, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont fait d’autres choix, préférant multiplier le recours aux temps partiels (cf. plus du quart des emplois)

C’est pourquoi nous préconisons un autre partage du temps de travail : en passant à la semaine de quatre jours à 32 heures maximum, nous créons une redistribution de la productivité vers plus d’emplois sans porter atteinte au coût global pour les entreprises.

impact sur la santé

Le chômage tue ! 

Coût du stress au travail : entre 1,9 et 3 milliards € (en 2007) > source

Surmortalité des chômeurs en France : 14 000 morts prématurées par an > source

À chaque fois que le chômage augmente de 10 %, le taux de suicide augmente de 1,5% > source

> Enquête que la santé des chercheurs d’emploi (2021)

Impact écologique

Une réduction du temps de travail généralisée permettrait de faire baisser de 21,3% l’empreinte carbone du Royaume-Uni, soit 127 millions de tonnes équivalent CO₂ par an. > Mr Mondialisation (2021)

impact pour les comptes sociaux

Selon différents économistes, de droite comme de gauche, le coût en argent public du chômage de masse atteint une centaine de milliards d’euros par an, soit « le coût salarial de 2 millions de personnes au salaire moyen. » selon Jean Gadrey. > source

Comment faire ?

1 >> Demander aux entreprises et aux administrations de recruter au moins 10 % de salariés supplémentaires en CDI (avec un objectif de 15 à 20 % dans les secteurs où c’est possible) sans baisser les salaires.

2 >> Couvrir intégralement le coût salarial de ces embauches supplémentaires grâce aux économies réalisées par la suppression des cotisations d’assurance chômage, et plus généralement par les dépenses directes et indirectes liées au chômage. 

3 >> Instaurer la semaine de 4 jours, avec une durée hebdomadaire de 28 h à 32 h, en baissant le temps de travail de 10 % au moins. L’entreprise continue à fonctionner comme avant (sur 5, 6 ou 7 jours), mais tous les salariés passent à 4 jours, ce qui permet de créer massivement des emplois. 

“Comment financer le passage à 4 jours sans augmenter les coûts de production ? La source de financement principale est à chercher du côté de l’activation de l’Unédic. Avant même l’État et les collectivités locales, ce sont les caisses de chômage qui sont les premières bénéficiaires de l’effet sur l’emploi d’une RTT massive (…). Pour augmenter l’effet sur l’emploi et pour limiter la pression mise sur les salariés, il faut absolument que les baisses des cotisations sociales soient conditionnées à des créations d’emplois :

  1. Pas d’exonération sans une baisse effective de la durée (à mode de décompte constant, c’est-à-dire sans changer la manière de décompter le temps de travail, les pauses, les temps de repas…, de manière à ne pas minorer la réduction du temps de travail).
  2. Pas d’exonération s’il n’y a pas 10% au moins d’embauches en CDI. Soit le contraire du fonctionnement actuel du CICE qui a réduit l’impôt sans contrepartie en termes de création d’emplois.

Le principe général (à détailler selon les branches et la taille des entreprises) pourrait être le suivant : une exonération de 8% pour les entreprises ayant réduit leur durée réelle à 4 jours-32 heures et créé 10% d’emplois en CDI.”

(Méda/Larrouturou, Einstein avait raison, 2016, éd. de l’Atelier, pp.170-171)

 

Exemple de négociation aux conditions de 2016-2017 dans une entreprise fictive :

 

  • 20 ouvriers au smic => 3 ouvriers embauchés
  • 20 employés payés 1700 € / mois => 2 employés embauchés
  • 20 cadres intermédiaires payés 2400€ / mois => 2 cadres embauchés
  • 5 cadres au forfait à 3 845 € / mois : 0,5 cadres embauchés 
  • prévision d’un volume d’heures supplémentaires de 27 000 € (coût total chargé sur l’année pour l’ensemble des effectifs)

Total : on passe de 65 à 72,5 salariés, soit un peu plus de 10% d’embauches pour une augmentation de la masse salariale de 1,4%, mais avec l’exonération supplémentaire de 2% de cotisations sociales la première année. 

Méda / Larrouturou, Einstein avait raison, 2016, éd. de l’Atelier

 Vos questions, nos réponses :

1) Les heures supplémentaires seront-elles possibles selon les nécessités de l’entreprise ou le désir du salarié ?

Dans le cadre de la loi Robien, une flexibilité est possible, encadrée par un accord d’entreprise. L’employé doit pouvoir compenser ses heures supplémentaires par du temps de congé. Permettre par contrat des heures supplémentaires pérennes irait contre l’esprit de la loi de partage du temps de travail. 
Pour limiter le recours aux heures supplémentaires, il est envisagé de les faire payer plus cher à l’employeur, d’interdire leur défiscalisation et leur “désocialisation” (les abattements de cotisation sont supprimés pour les heures supplémentaires).

2) Comment créer 10 % d’emplois dans les PME ou TPE de moins de 10 salariés (qui ne font pas tous le même travail) ?

Il est possible, comme cela existe déjà, de recourir à des collectifs d’employeurs. La loi doit permettre un temps suffisant d’adaptation des entreprises (3 ans) pour créer des symbioses entre plusieurs d’entre elles et éviter les dérives (par exemple, le temps de déplacement d’un site à l’autre dans la même journée doit être comptabilisé dans le temps de travail).

Le modèle de mise en place n’est pas figé ; chaque métier doit pouvoir adapter la réduction du temps de travail à ses contraintes spécifiques. ? Le document suivant montre plusieurs applications possibles (liste non exhaustive). 

3) Comment financer le partage du temps de travail dans les fonctions publiques ?

Cela représente environ 28 milliards à financer si on compte 50 000 €/ agent / an,
Cette somme sera trouvée grâce :
    – aux baisses des dépenses publiques liées au chômage qui diminuera (1,6 millions d’emplois créés par le passage à la semaine de 4 jours  + 900 000 créations d’emplois grâce au Pacte Finance-Climat-Emploi. Il faut ensuite ajouter les emplois induits par le retour de consommateurs sur le marché)
    – aux entrées fiscales supplémentaires (TVA + Impôt sur le Revenu) 
    – lutte contre la fraude fiscale

 

Audition de Pierre Larrouturou à l’Assemblée nationale en 2014