Camus évoque «cette éternelle confiance de l’homme, qui lui fait croire qu’on pouvait tirer d’un autre homme des relations humaines en lui parlant le langage de l’humanité ».  Aujourd’hui qu’est venue l’époque de la grande résignation, celle de la société de la peur et du temps du mépris, les hommes n’ont plus confiance parce qu’on ne leur parle plus dans les relations « le langage de l’humanité ». Ce langage de l’humanité est celui qui, par la culture, le récit, la parole, l’art, l’amour… et la politique, prend soin de la vulnérabilité, du « levain de l’inachevé » comme disait Walter Benjamin.

Il faut donc aujourd’hui en finir avec cette civilisation contemporaine qui, par la quantification et le formalisme, tente de réduire l’humain au monde des choses, des choses et des produits financiers, marchandises et spectacles. Il faut abolir les automatismes des protocoles bureaucratiques et du faux savoir de l’expertise pour parier sur la capacité de la démocratie à régler les conflits par la parole.  Il n’y a pas de vie sociale sans rêve, sans idéal, sans ces souffles puissants qui permettent de cueillir « les fleurs du hasard » disait Jaurès. Ne rentrons pas dans l’avenir à reculons, le nez fixé sur le compteur des notations diverses et variées qui asservissent l’humain, reprenons la parole démocratique.

Roland Gori

Professeur émérite de Psychopathologie clinique, psychanalyste et Cofondateur de l’Association Appel des appels