Pierre LARROUTUROU, économiste et Jean JOUZEL, climatologue

Ouest-France le 22 juin 2015

 

Les terribles inondations de l’hiver 2013-2014 dans nos régions ne sont pas un accident isolé. Sur l’ensemble de notre planète, les événements climatiques extrêmes ont tendance à augmenter depuis trente ans : grandes inondations, typhons, canicules et sécheresses risquent de devenir soit plus fréquents, soit plus intenses.

En Inde, une vague de chaleur vient de tuer plus de 2 000 personnes. En Californie, l’eau est rationnée… Le réchauffement climatique conduit à un dérèglement du cycle de l’eau qui va s’amplifier et risque d’être irréversible, avec des conséquences dramatiques sur toute la planète, si nous n’agissons pas très vite et avec force.

Comment faire ? Comment financer le gigantesque chantier d’économie d’énergie qui nous permettra d’éviter le pire, alors que tous nos états sont surendettés ?

Début 2015, la Banque centrale européenne a annoncé une décision historique. La création de 1 200 milliards d’euros. C’est colossal. Mario Draghi, son président, a décidé de donner ces centaines de milliards aux banques. C’est, à nos yeux, une très mauvaise idée : alors que les marchés financiers sont déjà à des niveaux totalement excessifs (pire qu’en 2008 !), pousser les banques à spéculer plus encore en leur donnant des liquidités gratuites est suicidaire. En faisant cela, la BCE prépare la prochaine crise.

Nouvelle Donne demande que ces 1 200 milliards soient intégralement utilisés pour financer des travaux d’isolation des bâtiments et pour développer les énergies renouvelables. Nous demandons que soit négocié au niveau européen un Traité qui garantirait pendant 20 ans à chaque pays membre un financement de la lutte contre le dérèglement climatique, à hauteur de 2 % de son PIB.

La France aurait chaque année 40 milliards à taux 0 pour financer ce grand chantier dont l’organisation concrète serait la responsabilité des régions, au plus près des territoires. Une étude de la Commission européenne affirme que chacun de nous pourrait économiser de l’ordre de 1 000 € par an sur ses dépenses énergétiques si l’Europe se donnait les moyens de réduire de 30 % sa production de gaz à effet de serre.

Une étude du CNRS indique qu’un tel investissement permettrait de créer en France, au moins, 500 000 nouveaux emplois.

« Économie annuelle : 1 000 € par personne »

Comment faire ? La France doit proposer de négocier ce Traité dès le prochain sommet européen. Il est tout à fait possible que le consensus se fasse rapidement car tous les pays ont les mêmes problèmes pour financer leur transition énergétique. Mais si certains lobbies bloquent la négociation, la France doit taper du poing sur la table et annoncer qu’en cas d’échec, elle n’hésiterait pas à faire la politique de la chaise vide comme de Gaulle en 1965.

Nous n’avons plus droit à l’erreur : donner 1 200 milliards aux banques pourrait conduire à une crise plus grave que celle de 2008. D’un autre côté, ne rien faire de sérieux pour lutter contre le dérèglement climatique est aussi une erreur dramatique. Les 1 200 milliards créés par la BCE nous donnent une chance de gagner la course de vitesse. Ne la gâchons pas.

Pierre LARROUTUROU est porte-parole de Nouvelle Donne.

Jean JOUZEL est climatologue.

Nouvelle Donne porte ce projet depuis sa création, fin 2013. Nous avons rassemblé le soutien de nombreux responsables de plusieurs pays d’Europe, dont celui, très important, de Philippe MAYSTADT, ancien Ministre des finances de la Belgique et ancien Président de la Banque Européenne d’Investissement, dont nul ne peut contester la compétence sur les questions de finances européennes.

Philippe MAYSTADT, ancien Vice-premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur belge, docteur en droit.