« On n’ose plus parler du capitalisme, alors que ce système vit une crise foudroyante et suicidaire à moyen terme pour l’humanité. Nous, socialistes, devrions être bien placés pour l’expliquer et pour y répondre. »

Michel ROCARD

Le Parisien, 25 août 2007

Février 2007. HSBC annonce 10 milliards de perte sur son activité subprimes. C’est le début de la plus grave crise financière depuis 1929.

Dix ans plus tard, rien n’a changé. Comme le dit Joseph STIGLITZ, Prix Nobel d’économie, « on s’est contenté de déplacer les fauteuils sur le pont du Titanic. »

                                                                                                                                                                                        L’évolution du chômage 2007 – 2017

Rien n’a changé… ou en pire : dans tous nos pays, le chômage et la précarité ont flambé. Dans tous nos pays, le peuple exprime de plus en plus fortement sa colère contre des politiques incapables de protéger l’emploi et les revenus du plus grand nombre. Des politiques incapables de mettre en place des solutions efficaces. Incapables de rompre avec la pensée unique. Incapables de tenir tête au lobby bancaire.

En 10 ans, le nombre de chômeurs a augmenté de 2.500.000 (catégories A,B,C).  Le total des inscrits à Pole Emploi dépasse les 6.500.000 ! Si l’on tient compte de tous les chômeurs qui sont en formation et de tous ceux qui tombent chaque mois en fin de droit, il n’y a, hélas, aucune « inversion de la courbe du chômage ».     

Rien n’a changé, ou en pire : la spéculation atteint des sommets. A la Bourse de New-York, le Dow Jones avait culminé à 14.000 points en 2007 avant de s’effondrer. En janvier 2017, il explose le plafond des 20.000 points !  

L’essentiel des 4.000 milliards de dollar créés par la Banque centrale américaine « pour relancer l’économie » est allé sur les marchés financiers et dans la poche des 1% les plus riches, sans que le peuple en ait vraiment profité.

En Chine aussi, la crise menace : en un an, la dette privée a augmenté de 44 % PIB. Jamais, dans aucun pays, on n’avait vu se créer une telle bulle !

La prochaine crise risque d’être pire que celle de 2008, affirme le FMI.

« Pire que la crise de 1930 » insiste le Président de la Banque d’Angleterre… Mais qui en parle dans le débat des présidentielles ?

2007-2017. Dix années de perdues alors que l’UMP-LR puis le PS ont eu tous les pouvoirs.

En 2007-2008, une crise née aux Etats Unis a provoqué en Europe des millions de chômeurs. Pourquoi, en 2017, notre débat est-il si franco-français ? Comment expliquer que la crise qui s’annonce et les questions de régulation financière aient été complètement absentes des primaires, au PS comme à droite ?

Comment justifier que la question du chômage soit si peu présente, elle aussi, dans les débats ? Quand on voit, ci-contre, l’évolution de la croissance en France depuis 60 ans, comment peut-on encore miser sur le retour de la croissance pour lutter contre le chômage et la précarité ? Ce n’est pas sérieux !

Liberté, Egalité, Fraternité… Quand ils atteignent un tel niveau le chômage et la
précarité déstabilisent tout l’édifice républicain : quelle est la liberté d’un homme ou d’une femme qui survit grâce au RSA, avec 520 euros par mois ? Quelle Liberté authentique ? Comment parler d’égalité quand des millions d’hommes et de femmes gagnent moins de 1.000 euros par mois mais que tous les médias parlent des patrons du CAC 40 qui reçoivent entre 10 et 15 millions par an ?

Et comment croire encore à la fraternité quand nos dirigeants semblent se résigner à une précarité croissante ? On aimerait leur poser la question : si c’était ton frère qui vivait avec 520 euros par mois, si c’était ta sœur qui tombait en fin de droit, continuerais-tu à dire que « ça va mieux !

La croissance revient » ? Non. Evidemment ! Si l’on croit vraiment au principe Fraternité, il est urgent d’inventer un nouveau modèle de développement permettant à tous de vivre dignement.

Chômage, précarité : une épée de Damoclès sur toutes nos têtes

À un tel niveau, le chômage et la précarité ne concernent pas seulement les chômeurs, les précaires et leurs familles : quand il y a 6 millions de chômeurs, quel salarié peut exiger une augmentation ? Dans beaucoup d’entreprises, la négociation sur les salaires se réduit à « Si t’es pas content, va voir ailleurs ! »

Comme le note Patrick Artus, directeur des études à la Caisse des dépôts : « Dans la zone euro, chaque année, les entreprises prennent l’équivalent de 1 % du PIB dans la poche de leurs salariés, en plus de ce qu’elles ont fait les années précédentes. Dû à la perte de pouvoir de négociation des salariés, le transfert en faveur des profits est considérable ».

En 30 ans, la part des salaires dans le PIB a baissé de 10 % en moyenne dans tous les pays occidentaux. Ce sont des sommes colossales qui auraient
dû aller aux salariés, aux caisses de Sécurité sociale et à l’Etat qui sont partis dans la
poche des actionnaires… En 2016, les entreprises du CAC 40 ont distribué 56 milliards de dividendes. Comme en 2007, juste avant le krach…

Jamais notre pays n’avait été confronté à une telle crise sociale. Jamais non plus notre planète n’avait été confrontée à un réchauffement climatique aussi rapide : 2014 fut l’année la plus chaude depuis qu’existent des relevés de température. 2015 fut pire encore…

Et 2016 vient de battre le record de 2015 !

Grandes sécheresses et grandes inondations se multiplient car le cycle de l’eau est de plus en plus perturbé par le réchauffement en cours. En 2016, à cause des inondations du début de l’année, la récolte de blé a chuté de 30 % en France.

Heureusement pour notre sécurité alimentaire que les récoltes furent meilleures en Ukraine. Que ce serait-il passé si de telles inondations avaient frappé la                                                                                       même année tous les grands bassins céréaliers ?

Depuis quelques mois, les climatologues surveillent avec beaucoup d’inquiétudes le volume des glaces du Pôle nord et du Pôle sud. Depuis des milliers
d’année, ses oscillations sont régulières, suivant le cycle des saisons. Depuis 40 ans, il diminuait lentement, puis plus rapidement. Mais depuis quelques mois (courbe en rouge), le niveau des glaces est anormalement bas. Quelque chose est en train de se casser ?

Attention ! Risque d’effondrement

Crise sociale, crise environnementale, crise financière, crise de l’Europe, crise du sens… Dans de nombreux domaines nos sociétés approchent d’un point de non-retour.

Au-delà de tout ce qui est mesurable (le chômage, les précaires, la crise agricole, les inégalités entre territoires, l’échec scolaire, la température du globe et la fonte des glaces …), la médiocrité de nos dirigeants provoque une crise anthropologique, « une crise du sens », une crise de l’identité sur laquelle peuvent proliférer tous les extrémismes : qui donc est l’homme pour être traité ainsi ? Balloté d’une crise à l’autre,  incapable de décider de son avenir… Homo sapiens sapiens ou Homo nullens nullens ?

La présence du Front national en tête des élections européennes et des élections régionales, comme la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis montrent comment la somme des souffrances sociales, des frustrations, le sentiment d’abandon-trahison peuvent conduire à un effondrement politique.

« Faire toujours la même chose, toujours la même chose, et espérer un résultat différent, c’est la définition de la folie » disait Albert EINSTEIN. Si nous avons créé Nouvelle Donne en 2013 et si, aujourd’hui, nous voulons nous faire entendre dans le débat présidentiel, c’est parce qu’aucun parti, aucun candidat, ne répond aux questions fondamentales de notre temps.

« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde, disait Camus. Ne pas nommer les choses, c’est nier notre humanité.» Aucun candidat ne présente un diagnostic juste et complet de la situation, alors que c’est la première chose à faire pour rassembler le pays et le mettre en mouvement sans se tromper de direction.

Ne nous laissons pas voler 2017. Ne nous laissons pas voler notre avenir.

Malgré les déceptions, malgré les échecs, à nous de décider dans quelle société nous voulons vivre. Voilà pourquoi Nouvelle Donne veut se faire entendre dans le débat présidentiel : il n’y a aucune chance que le vainqueur résolve les problèmes du pays si les vraies questions ne sont pas posées. Nous devons poser ces questions, tordre le cou aux idées fausses et présenter des alternatives crédibles.