Quoi de pire en période de crise sanitaire que de voir de profondes divisions se faire jour ? Il est évidemment peu probable, et en démocratie peu souhaitable, que l’unanimité existe. Mais l’actuel gouvernement s’est enferré dans une surcrise démocratique.

La Ve République ne fonctionne plus car elle ne fait plus sens.
Notre société hérite de plusieurs décennies marquées par des scandales sanitaires, du sang contaminé à Servier, en passant par l’hormone de croissance. Ces faits ont entaché la crédibilité des discours officiels.
Plus profondément, la décrédibilisation de l’État, entreprise politique de reconquête des néolibéraux depuis les années 1980, a contribué à affaiblir la confiance collective en cet instrument commun chargé du bien public, mais aussi très concrètement à affaiblir les moyens de cet État pour répondre à court terme (ils ont multiplié les fermetures des hôpitaux) comme à long terme (ils ont réduit le financement de la recherche fondamentale) aux défis sanitaires.
Emmanuel Macron, engoncé dans sa philosophie néolibérale, continue de diriger le pays comme le pasteur son troupeau de moutons. Plus sarkozyste que Sarkozy, il a réduit le rôle du Premier Ministre à celui de “collaborateur” chargé de l’intendance. Le Parlement se contente de contresigner les décisions de l’Elysée. Les rôles politiques constitutionnels sont entremêlés, et la Ve République, viciée dès ses origines par le rôle prépondérant du Président, s’exténue dans l’inversion des pouvoirs : on légifère à l’Élysée, et le Parlement promulgue…
Devant ce retour en force du monarchisme, les malaises ne trouvent plus de voies institutionnelles non seulement pour s’exprimer formellement, mais également non plus pour y trouver des réponses satisfaisantes. En politique, une réponse satisfaisante n’est pas forcément une réponse avec laquelle on est d’accord : c’est une réponse qui fait sens. La Ve République ne fonctionne plus car elle ne fait plus sens.
Sur cette crise fondamentale, en pleine épidémie, les manifestations, en plein août, se multiplient. On y trouve pêle-mêle des citoyens choqués par l’instauration du passe sanitaire, des citoyens contre les vaccins, des citoyens gilets jaunes… Tous en quête sans doute pas tant de décisions qui iraient dans leur sens que de modes de décisions respectueux des grands principes démocratiques. Or, comme à chaque fois qu’une crise survient, l’extrême-droite et son cortège de fléaux nauséabonds tentent de récupérer la colère de la population. L’extrême-droite n’a pas pour objectif de résoudre les problèmes du pays, elle est l’expression d’un désarroi qui fait exploser le surmoi, les principes, les règles du savoir-vivre-ensemble pour mieux exprimer les réflexes du cerveau reptilien : l’extrême-droite est un effet de la panique, elle est la foule qui piétine les plus faibles pour sortir d’un bâtiment en feu.

Ces symptômes d’un pays malade, et pas seulement de la COVID, doivent être pris très au sérieux. C’est pourquoi la réflexion collective sur une nouvelle constitution doit être au programme d’un socle commun de la gauche unie pour 2022. Nous ne pouvons plus faire de la politique comme au milieu du XXe siècle, qui fut dominé par l’idéologie de l’homme providentiel. De Gaulle et la Ve République ne furent que les expressions républicaines d’un mouvement de fond – le recours au chef salvateur – qui s’est exprimé de façon virulente dans d’autres pays. En 2022, nous aurons le choix entre confirmer ce principe, à nos yeux délétère et mortifère ou construire une République à l’image d’un peuple qui n’attend plus des politiques des vérités toutes faites et définitives.

À plus court terme, qu’eût-il fallu faire ?
Emmanuel Macron avait un instrument politique à portée de main. Un instrument qu’il avait lui-même mis en place, et qui aurait eu un rôle à jouer s’il ne l’avait pas ensuite rejeté et invalidé : le modèle de la Convention Citoyenne pour le Climat n’aurait-il pas été une réponse intelligente à la contestation actuelle ? Créer une convention citoyenne de suivi de la crise épidémique, c’était redonner à l’intelligence collective les moyens de formuler des réponses communes, non entachées du discrédit de l’État cultivé par le néolibéralisme. C’était créer un espace démocratique totalement à l’opposé des “réseaux sociaux” devenus des moteurs du complotisme et des réactions superficielles : au contraire, cette Convention Citoyenne aurait eu le temps et les moyens de trouver des réponses intelligentes aux interrogations légitimes de tout un chacun. La Convention sur le Climat l’a prouvé : ses réponses ont été réfléchies et argumentées. C’est sans doute pour cela que Emmanuel Macron y a renoncé. C’est pour cela qu’il faut sauvegarder cet outil et en faire rapidement le moyen de sortie de cette crise démocratique et contestataire.

Comme pour la crise climatique, les solutions existent pour la crise démocratique. Les appliquer ou y renoncer, c’est un choix politique. À Nouvelle Donne, les adhérents défendent encore et toujours les choix de l’humanisme et de l’intelligence collective.