Rassembler la gauche, c’est possible

Loin de renoncer, un collectif de politiques et de militants proposent de réunir la gauche. Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon doivent s’engager ensemble pour le renouveau d’une République moderne, disent-ils.

Ils ont dîné ensemble et ils ont «acté» la division de la gauche. A deux – à deux seulement ! –, ils ont «acté» que la gauche renonçait à 2017. Et nous sommes des millions à nous angoisser en pensant à ce que fera la droite ou peut-être l’extrême droite si elle arrive au pouvoir après cet étrange renoncement.

Avec 6 millions de chômeurs, des millions de pauvres et de précaires, une crise agricole dramatique, une nouvelle crise financière qui peut éclater n’importe quand et un effondrement accéléré de notre système politique, notre pays est à deux doigts du chaos. Comment expliquer que la gauche décide d’abdiquer ?

Est-il trop tard pour rassembler la gauche ? Est-il trop tard pour gagner ? Non ! Dans cette campagne aux multiples rebondissements, tout est encore possible. Le pire comme le meilleur. Y compris une victoire de la gauche. Mais cela suppose qu’au lieu d’insister sur ce qui divise ou fait débat, nous décidions d’agir ensemble pour mettre en œuvre, effectivement et au plus vite, ce qui nous rassemble et aura un effet de levier très puissant, un effet transformateur considérable : en finir avec la monarchie de la VRépublique et faire naître enfin, avant la fin 2017, une République moderne.

Un plan simple

Le plan que nous proposons pour faire gagner la gauche est simple. Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon s’engagent par écrit, devant le peuple et devant le Conseil constitutionnel, à convoquer immédiatement – s’ils sont élus – une Assemblée constituante. Composée de parlementaires, de constitutionnalistes et de citoyens tirés au sort, cette assemblée aurait six mois pour rédiger une nouvelle Constitution.

En novembre, le texte serait rendu public et un référendum convoqué pour décembre ou janvier. En 1958, l’ensemble du processus de rédaction-adoption de la Constitution de la VRépublique a duré moins de quatre mois. Si nous le voulons, au vu de toutes les réflexions accumulées dans nos réseaux, une nouvelle Constitution peut naître d’ici la fin de l’année.

Les deux candidats doivent s’engager à ce que le texte soumis à l’approbation des citoyens contienne a minima la fin du 49.3, la désignation du Premier ministre par l’Assemblée nationale et non plus par le Président, le droit de vote des immigrés aux élections locales, la loi d’initiative citoyenne, le principe d’égalité entre territoires et la constitutionnalisation des engagements environnementaux de la France.

Ils doivent s’engager aussi à ce qu’une loi organique adoptée par l’Assemblée durant l’été modernise le mode de scrutin pour les législatives et mette en place un scrutin proportionnel comparable au système allemand, qui permette en même temps la stabilité de l’exécutif et l’ouverture du Parlement à tous les partis rassemblant au moins 3% des électeurs. Cette loi devrait aussi garantir un non-cumul très strict des mandats et créer un véritable statut de l’élu.

Ils doivent s’engager enfin à ce qu’une loi de séparation des banques de dépôt et des banques d’affaire soit adoptée durant les trois premiers mois du mandat, comme l’avait fait Roosevelt dans son New Deal. «La République sera sociale ou ne sera pas», disait le grand Jaurès. Il avait raison, et il n’y aura pas de République sociale si nous ne sommes pas capables de désarmer la spéculation, de rompre avec la marchandisation du monde et de remettre la finance à sa place.

Une nouvelle constitution

Voilà pourquoi, pour nous protéger du tsunami qui se prépare sur les marchés financiers comme pour réaffirmer le primat du politique, il est fondamental de séparer les banques de dépôt et les banques d’affaire dès les premières semaines du mandat.

Une dissolution permettra qu’une nouvelle Assemblée nationale soit élue en décembre, avec un scrutin proportionnel, en même temps que sera adoptée la nouvelle Constitution.

«Oui. Très bien ! Mais comment leur faire confiance ?» demanderont certains. Les promesses n’engagent que ceux qui les croient. «Mon adversaire, c’est la finance», disait Hollande en 2012. «Je veux le pouvoir pour vous le rendre», promettait Mitterrand en 1974…

Il y a eu tellement de promesses trahies que les deux candidats doivent comprendre la défiance qui monte dans le pays. Et c’est pourquoi nous proposons qu’ils s’engagent devant le peuple mais aussi par un courrier solennel adressé au Conseil constitutionnel en demandant que le Conseil envoie ce courrier aux Présidents de l’Assemblée et du Sénat en janvier 2018 si le gagnant n’a pas tenu ses engagements. Ainsi, la procédure de destitution prévue par l’article 68 de la Constitution pourrait être déclenchée : si le nouveau Président n’a pas convoqué la Constituante ni organisé le référendum, il a trahi ses engagements et n’est plus digne de gouverner. Si les deux candidats sont vraiment convaincus par ce qu’ils disent, ils ne devraient pas hésiter à donner aux Français cette preuve de leur bonne foi.

Ne pas tuer l’espoir

Comment arriver ensuite à une candidature unique ? Soit les deux candidats se mettent d’accord, soit on organise d’ici quinze jours un vote du peuple de gauche. Vote papier et vote électronique, des centaines de milliers de citoyens ont pu s’exprimer en très peu de temps pour décider si Jeremy Corbyn était, ou non, le leader de la gauche anglaise.

A une époque où des hologrammes permettent de tenir deux meetings en parallèle, on aura du mal à croire qu’on ne puisse pas consulter le peuple de gauche pour décider de celui qui va porter ses couleurs. Sachant que celui qui ne sera pas Président pourra être président de la Constituante. Perspective plus réjouissante que d’être tous les deux dans l’opposition occupés à manifester contre la droite ou l’extrême droite…

Et pendant la Constituante, rien ne bouge ? Rien ne se règle et le peuple attend ? Non, évidemment : des mesures efficaces peuvent être adoptées immédiatement sans avoir à changer ni la Constitution ni les traités : protéger les salariés des licenciements inutiles, protéger les PME des cessations de paiement évitables, investir massivement dans le logement et la transition énergétique… Si une dissolution est prévue au bout de six mois, le gouvernement aura intérêt à prouver qu’il tient ses engagements.

L’heure est grave. Nous ne pouvons pas nous résigner à une victoire de la droite ou de l’extrême droite (que nul ne peut plus exclure) sans avoir fait le maximum pour rassembler la gauche. Chacun d’entre nous sait bien que c’est la volonté de l’immense majorité des militants de Benoît Hamon, de Jean-Luc Mélenchon, de Nouvelle Donne comme d’EE-LV, des amis de la Primaire citoyenne et de tous les citoyens engagés dans des mouvements comme Attac, Alternatiba, le collectif Roosevelt…

Puisque les deux candidats disent refuser la logique présidentialiste et ne pas croire à l’Homme providentiel, nous leur demandons amicalement mais solennellement de rentrer dans cette démarche pour ne pas tuer l’espoir.

Signataires : Anne Hessel, porte-paroles de Nouvelle Donne ; Pierre Larrouturou, candidat Nouvelle Donne à l’élection présidentielle ; Charlotte Marchandise, candidate à l’élection présidentielle issue de La Primaire Citoyenne ; Caroline de Haas, militante féministe ; Susan George, militante associative ; Eliot Lepers, web activiste ; Eliot Nouaille, ancien Président du Syndicat des lycéens.