Faire barrage dès le premier tour. Les sondages montrent une progression forte pour Marine Le Pen avec des estimations à 47 % ou 47,5% au second tour. Nul ne peut donc exclure une victoire de l’extrême droite lors de cette élection présidentielle.
Dans une tribune co-signée avec Anne Hessel, militante associative et co-présidente d’honneur de Nouvelle Donne, et Jacques Rosselin, cofondateur de Courrier international, l’eurodéputé Pierre Larrouturou explique sa décision de voter pour Jean-Luc Mélenchon dès le premier tour, afin de faire barrage à l’extrême droite et imposer dans le débat public l’écologie, la justice sociale et la démocratie.
Le seul moyen que Le Pen ne puisse pas gagner le second tour de la présidentielle, c’est qu’elle n’y soit pas. Il faut faire barrage dès le premier tour. Malgré des désaccords avec lui, je voterai donc pour Jean-Luc Mélenchon ce dimanche. Dans un moment aussi décisif, prenons nos responsabilités.
– Pierre Larrouturou
>> Une décision qu’il détaille et explique dans une vidéo, à partager au maximum sur les réseaux :
>> Voici la tribune “Pour battre l’extrême droite, voter J.L Mélenchon ?”, publiée sur le site de Pierre Larrouturou Changer la Donne 2022, expliquant les raisons de sa décision, la prise de responsabilités et de conscience pour lutter contre l’extrême droite et changer la donne.
_________ Pour battre l’extrême droite, voter Mélenchon ? __________
“Marine Le Pen peut gagner.” Thomas Legrand a raison de sonner l’alarme (sur France Inter, le 29 mars). Quand tous les sondages montrent une progression forte du vote Le Pen et que certains sondages la mettent déjà à 47 % ou 47,5% au second tour, nul ne peut exclure une victoire de l’extrême droite.
“Une victoire de Le Pen ? C’est impossible” diront certains. Mais ils affirmaient que Trump ne pourrait jamais gagner et que le Brexit était impossible. Ils n’avaient pas vu venir le 21 avril 2002 et sous-estiment la colère – largement légitime – qui monte dans notre pays et qui est détournée par les marchands de haine.
En 2002, Jacques Chirac avait rassemblé 82 % des voix face à Le Pen Père. En 2017, Emmanuel Macron a fait 66 % seulement face à sa fille. Certains sondages annoncent aujourd’hui des duels très serrés (56/44 en moyenne depuis 3 ans et l’écart se resserre). Il faut être aveugle pour ne pas comprendre que les courbes peuvent se croiser.
Nous avons tous des amis qui ont voté Macron au second tour de 2017 mais affirment aujourd’hui qu’on ne les y reprendra plus. Et Macron ne fait rien pour calmer leur colère quand il annonce qu’il veut imposer la retraite à 65 ans, augmenter les frais d’inscription à l’université, supprimer le CAPES et quand il continue les discours creux sur le climat…
Lutter de toutes nos forces contre l’extrême droite.
Malgré nos très nombreux désaccords avec E. Macron, si le second tour l’oppose à l’extrême droite, nous n’hésiterons pas à prendre nos responsabilités et à voter pour lui.
Nous ne partageons que peu de choses avec E. Macron mais, avec M. Le Pen, nous ne partageons rien. La laisser arriver au pouvoir conduirait à défigurer la République.
Mais nous ne devons pas nous résigner à la perspective d’un second tour aussi sinistre. Même si elle ne gagnait pas cette année, la présence de Le Pen au second tour poserait deux très gros problèmes : face à Macron qui n’a rien fait pour les précaires et les petits salaires, il serait dramatique qu’elle arrive à se faire passer pour “la candidate du pouvoir d’achat” (c’est son nouveau “positionnement”) alors que sa seule réponse à toutes les questions sociales c’est de “baisser les impôts, baisser les cotisations sociales, baisser la TVA…” Avec Le Pen, comment financerait-on les hôpitaux, les écoles, la police, la justice, les retraites et tous les mécanismes qui permettent de freiner l’explosion des inégalités ? Son projet social n’est qu’une illusion destinée à dédiaboliser un programme qui reste fondamentalement xénophobe.
D’autre part, même si elle ne gagne pas, il serait dramatique aussi que M. Le Pen se qualifie pour le second tour et qu’elle fasse 46 ou 47 % comme l’annoncent les sondages. Cela lui donnerait un argument extrêmement fort pour réunir toute l’extrême droite et les miettes de la droite, pour gagner dans 5 ans.
Faire barrage, dès le premier tour.
La meilleure garantie que Le Pen ne puisse ni gagner ni faire un score excellent au second tour, c’est évidemment qu’elle ne soit pas au second tour ! Si, pour faire barrage à l’extrême droite, nous pourrions voter au second tour pour un Macron avec qui nous partageons si peu, pourquoi ne pas faire barrage dès le premier tour en votant pour quelqu’un avec qui nous ne sommes pas d’accord à 100 %, certes, mais dont nous partageons 70 % du programme ?
Faut-il alors voter pour le programme l’Avenir en Commun porté par Jean-Luc Mélenchon ? Nous sommes nombreux à nous poser la question… et à changer d’avis, parfois plusieurs fois par semaine, car la réponse n’a rien d’évident.
Voter Mélenchon, sans être d’accord avec tout ce qu’il dit ?
Certes, nous ne sommes pas d’accord avec tout ce que dit Mélenchon (on y reviendra) mais nos points de désaccord sont immensément plus nombreux avec Macron et Le Pen. Et nous nous retrouvons pleinement dans l’essentiel du programme économique et social de l’Avenir en Commun, coconstruit au fil des années avec de nombreux citoyens et mouvements associatifs : abolir la monarchie présidentielle, mettre le dialogue avec les citoyens au cœur de la République avec le Référendum d’Initiative Citoyenne, arracher les médias des griffes des quelques milliardaires qui les accaparent chaque jour un peu plus, investir massivement dans une grande bifurcation écologique, le développement des renouvelables et la rénovation énergétique de nos foyers, lutter efficacement contre la malbouffe, réduire le temps de travail, reconstruire notre système de santé publique, augmenter les salaires et réduire les inégalités, sauver le système des retraites sans accabler les retraités, construire l’autonomie des jeunes et garantir le droit au logement…
« Sur les enjeux climatiques, le programme de la France insoumise est celui qui coche le plus de case » affirmait Jean-Marc Jancovici sur France-Info le 29 mars. Même Geoffroy Roux de Bézieux, le président du MEDEF, le reconnaissait il y a quelques semaines face à JL Mélenchon : “Moi, je vous prends au sérieux. Je pense que vous êtes prêts à gouverner.” Malgré des “désaccords profonds”, il reconnaissait un “programme solide et cohérent”.
Voilà une vraie alternative à la politique d’E.Macron ! Mais le programme n’est pas tout : on a tous entendu des amis dire “ce qui m’empêche de voter pour l’Union populaire, ce n’est pas son programme, c’est son candidat”. La personnalité de Jean-Luc Mélenchon est perçue par beaucoup comme rugueuse, et parfois caricaturée comme colérique voire violente. Il nous arrive parfois de le trouver « rugueux » en effet, mais il peut être utile de comparer les niveaux de “violence” réels : Macron est en apparence plus lisse mais par son incapacité à dialoguer avec les gilets jaunes, les jeunes, les personnels soignants, il a conduit notre pays à un niveau de violence jamais vu.
“Le problème de Mélenchon, c’est qu’il est parfois écorché vif, reconnaît un militant. En petit comité, il est capable de passer une heure à écouter un responsable associatif ou un patron de PME, mais en public, s’il se sent agressé, il a parfois un côté ours mal léché.» «La gauche est comme un grand désert. On est tous assoiffés, à la recherche d’un oasis, continue un autre, mais tout ce qu’on a, c’est un cactus : Mélenchon, ça pique un peu mais, aujourd’hui, c’est la seule solution. » L’image est inattendue mais tout le monde comprend.
Peut-on voter pour un cactus ? Oui. Voter pour un “cactus” partisan d’une 6e République nous semble une option tout à fait raisonnable. D’autant qu’il n’est pas question de lui donner un chèque en blanc : nous appelons à voter pour lui car il y a urgence à mettre fin à un système monarchique et parce que nous avons entendu cet engagement, pris et répété maintes fois par Jean-Luc Mélenchon : “une fois la constitution de la 6ème République adoptée, je m’en vais”.
Soyons clairs : nous avons avec Jean-Luc Mélenchon des désaccords importants sur l’Europe et sur les questions internationales. Comme beaucoup, nous ne comprenons pas certaines de ses déclarations sur les frappes russes en Syrie ou son opposition aux livraisons d’armes aux Ukrainiens qui se battent contre l’envahisseur. Et sur l’Europe, certes il ne dit plus qu’il veut « sortir des Traités » mais sa vision reste trop peu ambitieuse alors que nous vivons un moment historique.
Au moment où le besoin de justice sociale monte très fortement dans tous nos pays et où même le FMI affirme qu’il faut un nouvel équilibre dans le partage de la valeur ajoutée, au moment où Biden veut rompre avec 40 ans de libéralisme et propose de taxer les plus-values latentes des multimillionnaires, au moment où la coalition au pouvoir en Allemagne cherche aussi à inventer un nouveau modèle écologique et social, nous ne comprenons pas pourquoi Jean-Luc Mélenchon reste aussi frileux dans ses propositions pour changer l’Europe.
Nous aimerions retrouver le Mélenchon qui, au début des années 2000, se battait pour une Europe plus sociale et plus démocratique : on ne pourra pas protéger et renforcer notre modèle social, on ne pourra pas gagner la bataille du climat, on ne pourra pas humaniser la mondialisation, sans s’engager pleinement dans un nouveau projet européen, alter-européen.
Qui face à Macron au second tour de la présidentielle ? Le Pen ou Mélenchon ? Malgré nos désaccords, il n’y a pour nous aucune hésitation : l’une est profondément raciste. L’autre porte un programme profondément humaniste. Et quand Le Pen se faisait photographier avec Poutine et bénéficiait de financements russes, Mélenchon soutenait Sergueï Oudaltsov, l’un des principaux opposants au maître du Kremlin.
Un second tour très, très différent
Même si Jean-Luc Mélenchon ne gagne pas le second tour, changer l’affiche des deux finalistes est loin d’être anodin : à cause de Bolloré et Zemmour, les premiers mois de la campagne ont été pollués par des débats nauséabonds. Pour le débat de l’entre-deux-tours (le moment le plus suivi dans notre vie politique), veut-on assister, encore une fois, à un concours de discours « toujours plus à droite », des discours qui divisent et qui détournent la colère du peuple vers des bouc-émissaires ? Ou choisirons-nous plutôt un débat centré enfin sur la lutte contre les inégalités, l’urgence climatique et la démocratisation de notre pays ?
Il ne s’agit pas de choisir simplement entre deux programmes télévisés pour une soirée d’avril, mais de battre en brèche le narratif selon lequel la seule alternative à Macron serait plus de haine et plus de division.
Même s’il ne gagne pas l’élection, permettre à JL Mélenchon de faire entendre haut et fort un projet de justice sociale dans l’entre-deux-tours changerait sans doute radicalement la teneur du débat pour les cinq prochaines années, et pourrait déjà avoir un impact réel sur l’élection législative.
Changer la donne, dès le premier tour
Répétons-le : Le Pen peut gagner. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Cela nous oblige tous à sortir de nos zones de confort. Ce texte va sans doute étonner tels ou telles de nos amis mais nous sommes persuadés que nos amitiés résisteront à nos débats, dans un moment aussi compliqué de l’histoire de notre pays.
Nous écouterons notre conscience. Si Le Pen gagne le 24 avril, si le 10 avril elle devance Mélenchon de quelques milliers de voix seulement, nous serons nombreux à nous en vouloir si nous n’avons pas fait le maximum pour empêcher ce scénario catastrophe.
N’en déplaise à certains, Macron et le Pen ce n’est pas bonnet-blanc et blanc-bonnet : si le deuxième tour oppose Macron à Le Pen, nous voterons Macron. Mais la seule façon aujourd’hui d’éviter ce second tour sinistre et de faire valoir des solutions de justice sociale et climatique, c’est de voter Mélenchon au premier tour.
Anne Hessel, militante associative, est la fille de Stéphane Hessel.
Pierre Larrouturou, député européen Nouvelle donne.
Jacques Rosselin, cofondateur de Courrier international
Voilà que le sinistre second tour arrive…
Avant d’annoncer la couleur, ne faut-il pas un échange sur les méthodes ?
Je me permets avant que d’être plus positif, de pointer une défaillance qui – pour moi, modeste acteur actif de la Primaire Populaire – n’est pas négligeable :
JLM et son staff ont depuis le début et toujours eu comme leitmotiv “Si vous voulez l’union, rejoignez-nous !” ce qui sémantiquement et éthiquement est plus que contestable.
Quel que fut le passé avec les communistes et écologistes, les LFI n’ont eu d’autre foi que de croire en leur seule bonne étoile !
Ils et nous le payons très chèrement.
Pour 421 000 voix, alors qu’il…
…leur était possible avec 320 000 (?) soutiens de gagner une meilleure légitimité partagée à partir de la PP. Mais la limace tenace était aussi têtue.
Positivement, il faudrait pouvoir essayer de négocier le vote à des modifications concrètes de Macron, comme dans toute négociation diplomatique (retrait de lois sociales ; revoir la C.C.Climat par ex.) Apparemment, la situation au 12 avril 2022 est plutôt favorable !
Il serait temps de révéler et d’approfondir la caste oligarchique et ultra-financière dudit Macron et pour ceci, reprendre un peu de Juan Barcos, de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, de Vincent Jaubert et même de JM Apathie…
Macron et Brigitte, Mimi Marchand, Edouard Philippe, Xavier Niel, Grivaux et Attal y apparaissent sous un autre jour…complétement hors-sol pour les travailleurs.
Il serait temps de dire qui arriverait au pouvoir avec la si douce Dame-au-Chat : à savoir les anciens du GUD ou des englués d’affaires judiciaires en cours : Axel Loustau, Frédéric Chatillon, Nicolas Crochet, Philippe Péninque, Jean-Luc Schaffhauser ainsi que -forcément – le nouvel allié Z avec sa clique, puis Ciotti et Co.
Il serait surtout temps d’avoir une discussion vraie, à une vraie table de moins de 5,50m…entre la FI, des écolos ralliés, des PC ralliés, des socialistes ralliés, tout ce groupe d’ex-LREM, etc.
Les programmes – hélas souvent non lus – n’ont pas fait l’élection.
Et c’est la méthode qui a le plus manqué.
Edgar Morin le dirait bien mieux que moi.
FH