Agriculture

“L’agriculture est le premier métier de l’homme ; c’est le plus honnête, le plus utile et par conséquent le plus noble qu’il puisse exercer.”
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou De l’éducation

Notre  modèle  agricole  intensif,  fondé  sur  les  monocultures  mécanisées  et  dépendantes  des  engrais  et pesticides, a été pensé à la sortie de la Seconde Guerre mondiale pour assurer l’autosuffisance alimentaire de la France, ouvrir une voie de reconversion à l’industrie chimique et libérer la main d’œuvre agricole pour reconstruire le pays, accélérant un processus d’exode rural perçu comme un marqueur de développement.

Ce modèle n’est plus soutenable aux plans écologique, climatique, économique et sanitaire. L’agriculture dite « conventionnelle » – notamment l’élevage et l’épandage d’engrais – est le second secteur d’émissions de gaz à effet de serre ?. Le recours massif aux intrants appauvrit les sols qui s’érodent, nuit à la biodiversité, pollue les cours d’eau et les nappes phréatiques. Les preuves scientifiques s’accumulent sur les dangers sanitaires posés par les pesticides et la production alimentaire industrielle, tant pour les agriculteurs que pour les consommateurs. Le système agricole dominant est entré dans une logique de cercle vicieux : l’appauvrissement des sols exige le recours à davantage d’intrants qui appauvrissent encore plus les sols, détériorent la nature, entraînent des externalités négatives sanitaires et renforcent la dépendance aux hydrocarbures.

Du point de vue économique, la libéralisation des échanges agricoles et le développement des agricultures d’exportation imposent une baisse des cours telle que la quasi-totalité des exploitations produiraient à perte si elles n’étaient pas subventionnées. Le maintien de la production agricole intensive sur notre territoire et de prix abordables pour les consommateurs requiert une aide massive qui pèse sur les finances publiques. Sous perfusion européenne, ce système obsédé par la compétitivité met en danger à moyen et long terme notre souveraineté et notre sécurité alimentaires.

De plus, la dynamique tend vers l’uniformisation des cultures et l’accaparement des terres par de grands producteurs, au détriment de la paysannerie, qui disparaît rapidement. Les revenus sont en chute libre. Les politiques agricoles valorisent la surface cultivée mais pas l’activité ni l’emploi. L’accès au foncier et aux moyens de production est devenu quasiment impossible pour de nouveaux agriculteurs.

Il est temps d’engager une mutation du modèle agricole et agroalimentaire, fondé sur la reconnaissance d’un triple rôle des agriculteurs — production alimentaire, préservation et restauration de la nature, protection de la bonne santé publique —, ainsi que sur la valorisation du bon sens paysan… La bonne nouvelle, c’est que le changement de modèle agricole est la solution à bon nombre de problèmes, qu’il s’agisse de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou de la création d’emplois : restaurer les sols agit sur le climat, limiter l’agriculture industrielle améliore la santé de tous et crée de l’emploi.

Travaux de la Commission thématique “Transition écologique” – 20 novembre 2021

Accompagner la profession agricole dans la transition

Les chiffres des suicides chez les agriculteurs sont alarmants – estimés à 2 par jour en 2019 – et la réalité est encore plus sinistre pour une profession frappée par la solitude des exploitants, les conditions de vie difficiles, mais aussi les difficultés financières récurrentes.

Il est urgent de mettre en oeuvre des mesures qui permettent aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail :

  • Soutenir le désendettement des agriculteurs, en priorité en fonction d’un cahier des charges de culture en agroécologie et en agroforesterie (cette mesure figure également dans le Socle Commun).
  • Permettre aux paysans d’obtenir des prix corrects et de vivre de leur travail en rétablissant des systèmes de régulation des productions (par exemple : les quotas laitiers ont très bien fonctionné de 1984 à 2006…).
  • Rémunérer les agriculteurs pour les services environnementaux rendus, en fonction des pratiques agroécologiques (économie des ressources en eau, d’énergie, d’intrants), de la protection des milieux et de la biodiversité et de l’autonomie des moyens de production.

Transformer les exploitations agricoles

L’objectif est de diminuer les émissions de gaz à effet de serre dues à l’élevage et d’améliorer sa capacité de « puits de carbone » et de réserve de la biodiversité. Il est nécessaire de multiplier les exploitations agricoles de taille plus modestes et d’élaborer des feuilles de route locales pour organiser des réseaux de complémentarité.

  • Limiter la taille des exploitations d’élevage (hectares de pâturage en rapport du nombre de têtes de bétail), transformer les élevages hors sol en élevages labellisés et mettre en place des mesures et des contrôles plus stricts de protection du bien être animal (voir thématique “Condition animale“).
  • Évaluer les besoins par rapport aux consommations de volailles et porcs afin de basculer vers des petits élevages à proximité des lieux de consommation.
  • Mettre en place un système d’évaluation des exploitations pour aider à la transition et favoriser les labels, par exemple en rendant leur acquisition gratuite, pour permettre une généralisation des systèmes agroécologiques.

Favoriser la transmission des exploitations et l'installation de nouveaux agriculteurs

Alors qu’on prévoit la disparition d’un quart des agriculteurs d’ici dix ans, le changement de modèle agricole va nécessiter un accroissement du nombre d’exploitations d’agriculteurs et de main d’oeuvre afin de répondre aux exigences environnementales et climatiques.

Plusieurs mesures sont nécessaires pour permettre le développement des exploitations agricoles :

  • Mettre en œuvre une politique foncière agricole pour favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs, en particulier à proximité des villes, et soutenir la transition à l’agriculture biologique et à l’agroforesterie (association arbres/cultures).
  • Donner la priorité à l’installation de nouveaux producteurs (convention avec les SAFER réformées, Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural).
  • Accompagner les transmissions d’exploitations et favoriser les groupements d’acteurs locaux.
  • Contrer la spéculation foncière, la concentration des terres en régulant les projets de cession.
  • Renforcer le droit de préemption des collectivités dotée d’un Projet Alimentaire Territorial (PAT), ayant une stratégie alimentaire locale.
  • Développer la formation professionnelle et simplifier les parcours de reconversion. 

Généraliser les pratiques agroécologiques

L’agroécologie prend en compte l’écosystème dans son entier pour y adapter la production tout en cherchant à diminuer les pressions sur l’environnement et à préserver les ressources naturelles. Il s’agit d’utiliser au maximum la nature comme facteur de production en maintenant ses capacités de renouvellement. C’est pourquoi l’agroécologie propose des solutions particulièrement adaptées aux problèmes rencontrés. La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons faire basculer l’agriculture du champ des problèmes à celui des solutions.

Les effets positifs sont : 

  • La réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution (moins d’engrais) ;
  • L’économie des ressources (eau, énergie) ;
  • L’autonomie des moyens de production (fertilisation, outillage, énergie et travail humain, semences, alimentation animale) ;
  • La protection des milieux (eau, sol, biodiversité).

L’agriculture est en première ligne face à la multiplication des périodes de sécheresse, conséquence du dérèglement climatique. Il est indispensable d’économiser l’eau et de la gérer localement de façon concertée et responsable pour éviter les pénuries.

Le secteur agricole a cependant ses points de blocage : résistance au changement, manque de marge de manœuvre des agriculteurs pour changer de pratiques, lacunes de formation, puissance des lobbies soumis aux lois du marché, mainmise des syndicats productivistes et des multinationales semencières…

L’enseignement et la formation des futurs paysans sont donc des éléments-clefs pour agir efficacement. Nous proposons de réformer l’enseignement agricole et la formation continue afin de permettre la mise en œuvre des pratiques agroécologiques : intégrer au tronc commun obligatoire l’enseignement de l’agroécologie, imposer des stages dans des exploitations qui appliquent les méthodes de l’agroécologie, ouvrir la formation continue sur les pratiques agroécologiques pour tous les agriculteurs, former les conseillers techniques aux pratiques de l’agroécologie. [Mesure de la Convention Citoyenne pour le Climat]

Promouvoir des systèmes de coopération locale

Il faut développer les systèmes de coopération d’approvisionnement, de commercialisation, de transformation et de services pour rendre aux paysans un rôle noble et une liberté dans leurs bassins de production. Cette coopération rendra également la profession plus attractive.

  • Favoriser les groupements d’acteurs locaux.
  • Développer des outils locaux de stockage et de transformation (silos, moulins, laiteries…). 
  • Favoriser les filières de distribution locales et les commerces de proximité.

Développer une alimentation saine, sobre et respectueuse du vivant pour tous

La consommation de viande et de lait mobilise 80 % de la surface agricole française. 90 % des émissions de GES sont liées à l’élevage. Les besoins en matières premières agricoles pour l’alimentation animale, humaine ou la production de biocarburants sont la principale cause de « déforestation importée ». De plus, ce modèle génère une surproduction alimentaire écoulée à bas prix dans les pays en développement.

Tout en visant l’autosuffisance nationale sur une majorité de produits alimentaires, Nouvelle Donne préconise de : 

  • Réorienter notre régime alimentaire pour qu’il soit le moins carné possible, mais de meilleure qualité, afin d’économiser terres et ressources. En particulier, augmenter l’offre de repas à base de produits biologiques locaux dans les collectivités (mesure du Socle Commun) et limiter fortement la consommation de viande.
  • Interdire immédiatement les produits phytosanitaires les plus dangereux (CMR) en accompagnant les agriculteurs (le Socle commun propose la sortie des produits de synthèse pour 2030).
  • Réorienter les recherches fondamentales agronomiques et les recherches privées afin d’élaborer des techniques de productions durables.
  • Développer les circuits courts (en distance et en nombre d’intermédiaires) locaux et favoriser l’installation de vente de proximité.
  • Créer un « GESscore » incluant l’empreinte carbone des aliments. Ce « GESscore » obligatoire sera placé sous contrôle public et indépendant de l’industrie. 
  • Ne plus importer de soja, d’huile de palme, de cacao et de crevettes d’Asie du Sud-Est pour éviter la déforestation importée.
  • Créer une couverture alimentaire universelle (proposition du Socle commun).
  • Réduire les emballages alimentaires.
  • Réduire le gaspillage sur toute la chaîne du système agro-alimentaire.

Pour ces deux derniers points, voir la thématique “Industrie“.

 

Protéger les terres agricoles et favoriser la biodiversité

En France, nous bétonnons la surface d’un département tous les 7 ans, ce qui nous retire une surface agricole capable de nourrir 1,5 million de personnes, alors qu’en même temps la population augmente de 2 millions. Cela nous éloigne chaque année de la possibilité d’assurer notre souveraineté alimentaire. Qui plus est, ce sont le plus souvent les terres les plus fertiles qui disparaissent sous le béton.

De plus, les terres agricoles sont dégradées par les engrais, la pollution de l’air et de l’eau, qui provoquent une acidification des sols. L’irrigation et les labours excessifs abîment également les sols et accélèrent la minéralisation. Tous ces facteurs font disparaître la faune censée assurer la fertilité et la biodiversité des terres.

 

  • Stopper l’artificialisation des sols. Les sols périurbains fertiles sont indispensables pour que les villes puissent atteindre l’autonomie alimentaire.
  • Diversifier les variétés cultivées, réintroduire des variétés anciennes. 
  • Développer les réseaux locaux de sélection et de partage des semences
  • Restaurer la fertilité des sols en recyclant les nutriments (azote et phosphore), développer une économie circulaire valorisant les engrais naturels issus d’élevages (associer culture et élevage).

Revenir sur les accords de libre-échange (titre à améliorer)

Au nom du libre-échange se multiplient des accords internationaux qui ont vocation à supprimer les protections douanières face aux importations de marchandises et à développer la mise en concurrence en livrant les pays signataires aux multinationales. Ils vont à rebours des mesures environnementales à mettre en place pour limiter les conséquences du dérèglement climatique. Ces négociations commerciales et ces accords se font le plus souvent dans le dos des peuples et ont un impact destructeur sur les cultures vivrières et les forêts de nombreux pays, qui produisent dans des conditions sanitaires, sociales ou environnementales dégradées. Dans le même temps, les marchés européen et américain sont saturés de produits et de services déjà disponibles localement. Il est temps de promouvoir des traités qui respectent des critères sociaux et environnementaux exigeants et qui favorisent les circuits de proximité.

Nouvelle Donne préconise de :

  • Rejeter les accords existants qui contredisent les normes sociales et environnementales européennes et vont à l’encontre de l’Accord de Paris.
  • Avant tout autre signature d’accord de libre-échange, rendre publics les documents servant de base aux négociations. Rejeter les accords qui induiraient un accroissement de la déforestation et la commercialisation de produits ne respectant pas les normes sociales et environnementales européennes.
  • Sortir les produits agricoles des négociations commerciales internationales, les considérer comme biens communs. 
  • Consolider les normes environnementales et climatiques sur l’ensemble du cycle de production pour les productions nationales et importées.
  • Taxer ou interdire les importations de produits qui ne respectent pas les normes environnementales européennes.